L’économie du métavers : nouvelles opportunités ou simple bulle spéculative ?

15 octobre 2025

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Longtemps annoncé comme la prochaine révolution d’Internet, le métavers a connu un cycle d’euphorie, puis de désenchantement. Entre 2021 et 2023, les promesses d’« univers parallèles » ont suscité des investissements massifs et une spéculation intense sur les actifs numériques. En 2024-2025, l’heure est au réalisme : certaines apps et plateformes se structurent, des cas d’usage s’installent, tandis que les paris purement spéculatifs se dégonflent. La question demeure : s’agit-il encore d’une opportunité stratégique pour les entreprises, ou d’une bulle vouée à se résorber ?

 

Metaverse : De quoi parle-t-on aujourd’hui ?

Le métavers n’est pas un produit unique. Il recouvre trois couches qui s’entrecroisent :
– des mondes persistants et sociaux (gaming, plateformes UGC) ;
– des outils 3D collaboratifs pour la conception et la formation (jumeaux numériques, salles virtuelles) ;
– des interfaces immersives (VR/AR, lunettes connectées).

Cette vision « en couches » éclaire mieux l’économie du secteur : l’infrastructure (casques, puces, réseaux) tire la demande par vagues d’innovations, les plateformes organisent la distribution des contenus et la monétisation, et les usages (éducation, maintenance, retail expérientiel, événements sponsorisés) déterminent la valeur créée.

 

 

Un marché en phase de normalisation

Après une surchauffe, les indicateurs reviennent sur des trajectoires plus lisibles. Côté matériel, les casques AR/VR ont rebondi en 2024 et les perspectives industrielles sur 2025-2028 restent haussières. Côté plateformes, l’audience se concentre sur quelques écosystèmes UGC où les créateurs produisent jeux, expériences interactives et objets virtuels monétisés. Côté finance, plusieurs géants ont rationalisé leurs équipes et redirigé leurs budgets vers des usages tangibles : formation, productivité, lunettes connectées, IA embarquée. Le mot d’ordre : moins d’effets d’annonce, plus de retours mesurables.

 

Où se créent (vraiment) les revenus aujourd’hui ?

La poussée des plateformes UGC

Le moteur le plus visible reste l’UGC (user-generated content). Des plateformes comme Roblox et Fortnite rémunèrent désormais les créateurs via des payouts indexés sur l’engagement, et multiplient les outils de production (éditeurs, analytics, paiements). Les marques investissent des « îles » et mini-jeux pour toucher des communautés très segmentées : drops, quêtes sponsorisées, objets virtuels à la clé. Cette économie privilégie l’itération rapide et les preuves d’impact (temps passé, rétention, conversion).

Le B2B discret mais ROIste

Dans l’ombre, le B2B progresse : jumeaux numériques d’usines ou d’infrastructures, formation immersive à des gestes techniques, assistance à distance sur sites industriels, conception collaborative en 3D. Ces projets sont moins spectaculaires que les « villes virtuelles », mais souvent plus rentables : réduction des erreurs, économies de déplacements, montée en compétence accélérée. Ils reposent sur des indicateurs concrets : temps gagné, taux de complétion, incidents évités, capitaux immobilisés optimisés.

 

Des modèles économiques en recomposition

Le « tout publicité » fonctionne mal en immersion. Les plateformes mixent désormais achats in-app, abonnements, partage de revenus avec les créateurs, sponsoring mieux attribué (codes, coupons, objectifs de conversion) et, pour certains projets Web3, une bascule d’une logique de rareté spéculative vers l’utilité (billetterie, fidélité, interopérabilité d’objets ou d’avatars). L’enjeu est d’installer des revenus récurrents plutôt que des pics aléatoires.

 

Bulle spéculative : où en est-on ?

Les signaux sont contrastés. D’un côté, les terrains virtuels et des collections NFT associées ont enregistré des baisses marquées par rapport aux pics de 2021-2022 : le marché a corrigé, assainissant la partie la plus spéculative. De l’autre, les plateformes UGC et la VR/AR progressent là où les cas d’usage sont clairs. En somme, il ne s’agit plus d’un « Eldorado » automatique, mais d’un levier qui fonctionne lorsque le problème à résoudre (former mieux, vendre avec moins de retours, concevoir plus vite, engager une communauté) est correctement défini.

 

Cadre européen et fiscalité française : ce qu’il faut savoir

L’Union européenne a posé, dès 2023, une stratégie Web 4.0 et mondes virtuels articulée autour de principes d’ouverture, de sécurité, d’interopérabilité et de confiance. Pour les entreprises, cela se traduit par une vigilance accrue sur la gouvernance des données, l’accessibilité et la conformité (protection des mineurs, RGPD, transparence).

En France, les revenus issus d’activités « métavers » (création d’expériences, prestations, ventes d’items virtuels) s’intègrent dans les régimes existants : micro-entreprise (au micro-BIC ou micro-BNC selon la nature) avec abattement forfaitaire et obligations sociales simplifiées, ou société imposée à l’IS pour les structures plus capitalisées. Les actifs numériques (crypto, NFT assimilés) relèvent, par défaut, du PFU à 30 % (12,8 % d’IR + 17,2 % de prélèvements sociaux) avec une exonération des cessions de ≤ 305 € par an ; les plus-values se déclarent via le formulaire 2086. Cette articulation permet d’intégrer l’économie du métavers dans un cadre fiscal prévisible, sans régime d’exception.

 

Ce que disent les chiffres récents

Pour prendre la mesure du phénomène, quelques ordres de grandeur aident à trier le durable du conjoncturel :

  • Le segment Reality Labs (Meta) a généré en 2024 environ 2,1 Md $ de chiffre d’affaires pour 17,7 Md $ de perte d’exploitation : signe que le pari reste capitalistique, mais que l’effort d’investissement se poursuit (lunettes, VR, IA embarquée). 
  • Les casques AR/VR ont repris la croissance en 2024 et les perspectives 2024-2028 sont positives, portées par de nouveaux entrants, une concurrence accrue et des prix mieux positionnés. 
  • Côté UGC, Roblox a dépassé les 100 millions d’utilisateurs actifs quotidiens en 2025 et accélère ses bookings, quand Fortnite a versé 352 M $ aux créateurs en 2024, illustrant le poids croissant de la création indépendante. 
  • À l’inverse, les prix moyens des terrains virtuels ont chuté par rapport aux pics : un marché assaini, mais qui rappelle que les promesses de rareté sans usage solide sont fragiles. 
  • En France, le marché du jeu vidéo (principal baromètre du divertissement immersif) a atteint 6,1 Md € en 2023, puis 5,7 Md € en 2024 (-5,8 % mais deuxième meilleur niveau historique), confirmant une base de demande robuste.

 

une femme avec un casque de réalité virtuel

 

Entrer dans le métavers en 2025… sans se brûler

Partir d’un problème, pas d’une techno

Identifiez un problème opérationnel clair : former plus vite et en sécurité ; assister des techniciens à distance ; prototyper avant d’industrialiser ; capter un public communautaire difficile à atteindre autrement. La VR/AR n’a de sens que lorsque l’immersion améliore nettement l’apprentissage, la précision d’un geste ou l’engagement.

Choisir des cas d’usage à effet de levier

Quelques scénarios ont fait leurs preuves :
Formation immersive sur des procédures sensibles ;
Jumeaux numériques pour synchroniser bureaux d’études, production et maintenance ;
Événements sponsorisés et expériences marque-communauté sur des plateformes UGC ;
Essayage virtuel et co-design avec les clients en amont du retail.

Construire un stack pérenne

Privilégiez des formats standards, des API et une interopérabilité raisonnable. Pensez accessibilité : le web et le mobile doivent rester des portes d’entrée pour les publics non équipés. Côté achats/IT, sécurisez SLA, réversibilité, et gestion RGPD (finalités, minimisation, conservation, droits des personnes).

Mesurer, itérer, industrialiser

Posez des KPI ex ante (adoption, temps gagné, coûts évités, taux de conversion, NPS). Conduisez un POC de 3 à 6 mois avec une seule métrique prioritaire. En cas de succès, industrialisez : bibliothèques d’assets réutilisables, catalogues d’expériences, playbooks d’animation, montée en compétences interne.

Gouvernance et risques

Clarifiez la propriété intellectuelle des contenus et des données d’usage, la modération dans les espaces publics, la sécurité des flux monétaires. Évaluez les risques réputationnels (marques exposées dans des mondes ouverts) et la dépendance à une plateforme (risque de changement de règles de monétisation).

 

Verdict : opportunité, oui — à condition d’être sélectif

Le métavers s’éloigne d’une économie du storytelling pour entrer dans une économie de preuves. Les promesses spéculatives se sont largement évaporées ; restent des poches de croissance solides : UGC, formation immersive, jumeaux numériques. Si vous alignez cas d’usage, mesure d’impact et gouvernance, le métavers n’est ni mirage ni mode : c’est un outil potentiellement différenciant pour apprendre mieux, concevoir plus vite et engager des communautés. La clé, en 2025, n’est plus « faut-il y aller ? » mais « où et comment » — avec quels objectifs, quelle protection des données et quels retours attendus.

 

Attention, ces conseils ne sont pas dispensés par un professionnel de la finance, mais un particulier comme vous qui à un profil prudent et qui a testé beaucoup de placements (SCPI, bourse, assurance vie, tous les livrets (PEL, Livret A, LDD, CEL…), PER, l’immobilier…). Mais cela reste de la théorie, donc validez cela avec votre banquier ou votre conseiller en gestion de patrimoine. N’investissez pas n’importe comment, chaque profil est différent et mérite une étude par un professionnel de la finance.

 

Sources (sélection, sans liens)

Commission européenne : stratégie Web 4.0 et mondes virtuels (2023)
Meta (Reality Labs) : résultats 2024 (communiqué investisseurs, 29/01/2025)
IDC : AR/VR Headset Tracker (croissance 2024 ; perspectives 2024-2028)
Roblox : résultats T2 2025 et lettre aux actionnaires
Epic Games – Fortnite : « 2024 Year in Review » (payouts créateurs)
CoinGecko Research : prix des terrains du métavers (étude 2024)
DEPS – Ministère de la Culture / SELL : chiffres clés du jeu vidéo (France 2023-2024)
Économie.gouv / impots.gouv : fiscalité des actifs numériques (PFU 30 %, seuil 305 €, formulaire 2086)
URSSAF / Service-Public.fr : régime micro-entreprise (micro-BIC / micro-BNC, obligations déclaratives)

 

Pour aller plus loin :

Metaverse : son impact sur l’avenir des entreprises et des professionnels

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